Les nouvelles en ce début d’année ne sont guère réjouissantes : crises climatiques devenues réalité, conflits armés se multipliant aux quatre coins du globe, un fou furieux à la peau orange devenant l’homme le plus puissant du monde…C’est dans ce contexte plutôt morose que sort la bande-son du moment avec ce List of Demands de Damon Locks.
On a déjà suivi le natif de Chicago aux multiples casquettes (éducateur, artiste visuel, musicien) dans ses précédentes aventures comme sur le Black Monument Ensemble ou pour sa participation aux projets du label International Anthem. Mais là il se lance seul sous son nom et c’est sa première incursion dans le spoken word sur tout un album entier. Le sample, lui, est le pilier central des instrus. L’outil principal du hip-hop sert de caisse de résonance à ses poésies abstraites, futuristes et engagées…sa liste de revendications.
Plutôt habitué à entendre des éléments de jazz dans le rap, on assiste à un renversement où c’est un artiste venant du jazz tendance free qui va reprendre des codes du rap. Au lieu d’essayer de copier ou d’être dans l’air du temps, Damon Locks pousse ses expérimentations en transformant, découpant, déformant tel un sorcier de la boucle. Comme l’impression d’entendre du MF Doom déglingué ou Bigg Jus de Company Flow sur des revendications Black Power. Mais il n’est pas tout seul aux manettes, il reçoit aussi le soutien de ses fidèles collaborateurs : le cornettiste Ben LaMar Gay, la violoniste Macie Stewart, la poétesse Krista Franklin et le DJ/batteur Ralph Darden.
Futuriste, inventif, chaotique, Damon Locks porte sa voix unique au milieu du tumulte contemporain avec pour modèle le jazzmen cosmique Sun Ra, la poétesse Nikki Giovanni ou encore l’activiste Angela Davis. Après l’écoute de cet objet sonique passionnant, on a le sentiment que le rap et le jazz de demain sont déjà sur notre platine.