E la chiamano estate (Quattro Bambole Music)
Et ils l’appellent été. Telle est la traduction française de ce premier disque du producteur italien Marcello Sanzio sous son (vrai?) nom. Un titre, un projet, une pochette volontairement kitsch dans la forme mais pas dans le fond. Connu dans le monde du hip-hop transalpin sous plusieurs alias comme GSQ, Vanbusten ou Ventreianca, ce beatmaker à moustache avait plutôt tendance à la jouer discrète. À la tête du label Quattro Bambole Music, membre du collectif rap de Bologne Float A Flow, leader du Villa Idrusa Ensemble, celui qui se fait aussi appeler l’Italian Gelatomaker (le sorbetier rital) assume clairement son envie de sucré sur ces 23 pastilles addictives dont la plus longue dépasse à peine les deux minutes.
Il faut dire que, comme beaucoup de disques qui débarquent en ce moment, E la chiamano estate a été réalisé pendant le confinement. Et quand on se souvient à quel point la Covid a durement touché l’Italie lors des premières semaines de l’épidémie, on peut comprendre que Marcello Sanzio ait eu envie d’opérer comme un retour vers une innocence perdue. Car l’originalité de ce disque, c’est qu’il fait d’une pierre deux coups: à la fois catalogue de beats hip-hop et compilation de variété transalpine, l’album donne une furieuse envie d’Italie. Et puis, ces 23 plages sont traversées par l’esprit des fameux compositeurs de library music du pays comme Piero Umiliani ou Alessandro Alessandroni. Des artistes qui, eux aussi en leur temps, expérimentaient la plastique des mélodies sous des apparences de légèreté.
L’originalité de ce disque, c’est qu’il fait d’une pierre deux coups: à la fois catalogue de beats hip-hop et compilation de variété transalpine, l’album donne une furieuse envie d’Italie.
Mais ce n’est pas tout: comme le montre la série de clips disponible sur le YouTube du label, E la chiamano estate est aussi un hommage à la grande époque du cinéma italien, de Monica Vitti à Nanni Moretti. Disque profondément nostalgique et clairement fan des sixties, il n’en reste pas moins un album bien dans son époque. Et si parfois Marcello Sanzio se contente d’ajouter quelques effets à la chanson originale (cf. son travail sur le tube d’Adamo, “La notte (Mi fai impazzir)”, il fait surtout du lyrisme et des cordes de la variété italienne un véritable trampoline pour rap, comme le Wu-Tang Clan l’a fait avec la soul Stax (cf. “A te” plus Wu que nature). Et sur “Applausi” par exemple, on aurait bien imaginé MF Doom poser son flow.
Et c’est ce qui est beau dans ce projet. Là où beaucoup de beatmakers du monde entier veulent tout faire comme les Américains à piocher dans la funk US ou dans la French Library, Marcello Sanzio se plonge dans ses propres souvenirs, dans sa propre histoire et dans celle de son pays. Il se retrouve, du coup, à proposer un son gorgé de fraicheur, dans tous les sens du terme. On se découvre ainsi à vouloir nous aussi nous (re)plonger dans cette variété transalpine si souvent moquée. Car quand on écoute le morceau d’origine de Bruno Martino qui donne son nom à l’album (“E La Chiamano Estate”, 1965), on se dit que l’Italie a vraiment tout compris à l’été. C’est même à se demander si elle ne l’a pas inventé.