Tiganá Santana ressemble à un plongeur des profondeurs, de type Jacques Mayol dans l’océan du son. Profondeur de la voix, profondeur de l’âme, profondeur de la pensée. A contre-courant du monde tintamarre, le Brésilien ne chante pas fort, prend son temps (Vida-Codigo est seulement son quatrième disque en dix ans) et ne succombe pas à l’hégémonie de l’anglais: sur ce nouvel album, il jongle entre portugais, espagnol, français et kikongu (langue bantoue parlée en Angola, au Gabon et dans les deux Congo). Il faut dire que le garçon vient de soutenir en thèse en philosophie à l’Université de São Paulo. Et sa musique dégage la sérénité du sage bien dans ses concepts.
Avec le temps, on a même l’impression que le natif de Salvador de Bahia retire un à un tous les ornements dans sa case musicale. Un intense tête à tête voix-piano sur “Palavra de Honra”, un non moins vibrant guitare-chant sur “Aclarate” et même un a capella de toute beauté sur “Ilê, Se eu não” en duo avec sa mère, Arany Santana, figure du Nordeste et membre du légendaire groupe afro-brésilien Ilê Aiyê. Pour le reste, juste quelques percussions, deux, trois nappes d’accordéon et la basse discrète de son ami Ldson Galter. Tout chez Tigana Santana ressemble à un appel à la modération, à la décroissance, à la communion.
En à peine neuf chansons et une demi-heure, le Brésilien réalise une masterclass de douceur. On pense parfois à l’intensité du Caetano Veloso de Fina Estampa, à l’art du murmure de João Gilberto ou au blues africain d’un Blick Bassy. Et si on l’a sans doute (trop) souvent comparé à Nick Drake, il faut reconnaître qu’il lui ressemble comme deux gouttes d’eau sur “Meios”, le type même du morceau Santanien: une brève berceuse dans laquelle on aimerait se blottir pour la vie. Car oui, la musique de Tigana Santana a tout de la couette idéale: chaleureuse, rassurante et prétexte à la rêverie.
🇬🇧 Tiganá Santana looks like a Jacques Mayol-type deep-sea diver in the ocean of sound. Depth of voice, depth of soul, depth of thought. Going against the flow, the Brazilian does not sing loudly and takes his time. ‘(…) An intense “tête-à-tête” voice-piano on “Palavra de Honra”, an equally vibrant guitar-vocals on “Aclarate” and even a beautiful a capella on “Ilê, Se eu não” in duet with his mother, Arany Santana and for the rest, just a few percussions, two, three accordion layers and the discreet bass of his friend Ldson Galter. Everything in Tigana Santana “cries” for moderation, degrowth, and communion. (…) In nine songs and barely half an hour, the Brazilian has achieved a masterclass of sweetness.