Ana Mazzotti, The Roots, Baroque Jazz Trio, Habibi Funk 011: Al Hadaoui

Quatre rééditions magnifiques à la une du Grigri cette semaine du 16/09 au 22/09: du funk marocain, du hip-hop de légende, du jazz baroque à la Française et du jazz-soul à la Brésilienne.

On sait que vous aimez quand on érafle les traditions. Alors on vous refait le coup du Disquaire Day en avril dernier: et si ces quatre disques sont certes sortis dans la lointaine galaxie du passé et des souvenirs, quatre beaux labels (Far Out Recordings, Geffen, Souffle Continu, Habibi Funk) ont judicieusement décidé des les ressusciter. Et comme ils n’ont pas pris une ride, on les élit haut la main rééditions de la semaine sur la radio porte-bonheur. Au programme, du funk gnawa, du hip-hop de légende, du jazz baroque à la Française et du jazz-soul à Brésilienne. Bref du Grigri sous toutes ses formes.

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Ana Mazzotti, Ana Mazzotti, 1977

Etoile filante de la musique brésilienne, Ana Mazzotti n’a sorti que deux albums sous son nom. Et le plus ironique dans tout ça, c’est que le second, Ana Mazzotti (1977) n’est qu’une “réécriture” du premier, Ninguem Vai Me Segurar (1974). Au final, elle n’aura donc révélé que deux facettes d’une même oeuvre. Et comme un symbole, le principal changement entre ces deux versions, c’est le remplacement d’une reprise de l’Américaine Roberta Flack “Feel Like Making Love” par un hymne carnavalesque: “Eta, Samba Bom”. Comme si, avec le temps, elle avait affirmé plus fortement son âme brésilienne et son identité propre – d’où le titre simple, clair, basique: son nom et rien d’autre. Admirée par le mage Hermeto Pascoal en personne, cette chanteuse-pianiste-accordéoniste-compositrice était aussi une proche du combo culte du jazz-rock, Azymuth. C’est d’ailleurs José Roberto Bertrami qu’on retrouve à la D.A. et aux claviers de ce Ana Mazzotti aussi court que bon (un petite demi-heure à tout casser). Gorgé de groove nord-américain à la Return To Forever comme de MPB à la Gal Costa (cf. le “Cordão” de Chico Buarque bien malaxé dans cette esprit mi-mi), ce vrai-faux second disque de la native du Rio Grande Sul sera malheureusement son splendide chant du cygne: en 1988, une maladie la fauche au milieu de ses 37 ans. Trois décennies plus tard, le label anglais Far Out Recordings lui rend hommage en rééditant sa brévissime mais intense discographie.

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The Roots, Things Fall Apart, 1999

Que dire sur ce monument du patrimoine hip-hop de l’humanité? Eh ben qu’il vient de fêter ses vingt printemps et que, pour l’occasion, la bande à Questlove et Black Thought ressort une version deluxe de leur chef-d’oeuvre. Le tout en trois vinyles dont un uniquement consacré à des inédits. Une fois cette information passée, on peut aussi rappeler à quel point Things Fall Apart a participé à construire le son d’une époque: quand les années 90 ont glissé vers la décennie suivante, tout un collectif présent sur ce disque enregistrait presque en même temps leur propre chef-d’oeuvre aux fameux studios Electric Lady à New York: Erykah Badu et son Mama’s Gun, Common pour Like Water for Chocolate ou le Voodoo de D’Angelo. Ce son “nu-soul”, live, organique (faut-il rappeler que les Roots préfèrent les instruments aux platines?), on le retrouve sur les dix-huit tracks de ce disque très cinématographique, de sa pochette à sa construction en quatre parties en passant par son intro tirée du Mo’ Better Blues de Spike Lee ou son casting de blockbuster où l’on retrouve aussi J Dilla à la prod de “Dynamite!”, le fameux DJ Jazzy Jeff du Prince de Bel Air sur « The Next Movement » ou la poétesse Ursula Rucker, fascinante sur le vrai-faux morceau de clôture, « The Return to Innocence Lost ». Bref, comme dans le 7e Art, c’est ce qu’on appelle un classique.

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Baroque Jazz Trio, BJT, 1970

Baroque, jazz et trio: sur le papier, la cohabitation de ces trois mots peut ressembler à un cauchemar éveillé pour mal de gens. Mais il suffit de mettre le premier titre de ce disque publié en 1970 sur le label ovniesque de Pierre Barouh (Saravah) pour envoyer valdinguer toute appréhension superfétatoire. Car “Dehli Daily” a plus des airs de trip chamanique que de leçon de virtuosité à la Couperin. Trio de musique de chambre improvisée fondé par le pianiste Georges Rabol, le violoncelliste Jean-Charles Capon et le batteur Philippe Combelle, le Baroque Jazz Trio est sans doute le seul exemple au monde de plongée du clavecin dans un environnement jazz. Et le résultat est franchement fascinant. Alors oui, ça écorche parfois, ça “free” souvent, ça expérimente allègrement. Mais quand les trois compères se trouvent, c’est aussi déstabilisant que jubilatoire. À noter que le mystérieux saxophoniste-flûtiste Michel Roques (dont on vous parlait déjà en avril) apparaît sur le sommet de ce BJT, Zoma”, plus de onze minutes très bien barrées. Devenu très rare, ce petit bijou de jazz chelou commençait à atteindre des sommes démentielles sur les plateformes consacrées comme Discogs. Merci donc aux Parisiens du Souffle Continu de le rendre à nouveau accessible à (presque) tous au doux prix de 20 euros.

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Attarazat Addahabia & Faradjallah, Habibi Funk 011: Al Hadaoui, 1972

Dès le premier titre, “Al Hadaoui”, on est balancés sans préliminaires dans un drôle de monde parallèle: on dirait une démo à l’arrache et en arabe du “Rockollection” de Laurent Voulzy. Le reste? Une sorte de douce funk gnawa mâtinée de rock psyché et de choeurs féminins. Quelque chose de complètement cradingue et diablement attachant à la fois. Un parfum de Tinariwen avant l’heure et à la pulsation bien plus effrénée. C’est la force du label allemand Habibi Funk: aller chercher des pépites oubliées du monde arabe des années 70 et 80. Après le choc algérien Ahmed Malek ou la claque soudanaise The Scorpions & Saif Abu Bakr, les voici qui ont découvert presque malgré eux cet obscur et désirable groupe du Maroc, Attarazat Addahabia & Faradjallah. Ces types n’ont enregistré qu’un seul album en 1972, Al Hadaoui et il n’était – mystérieusement – jamais sorti. Resté pendant près d’un demi-siècle dans les archives du label Boussiphon, il a été retrouvé par hasard par les Belges de Radio Martiko qui, ne savant qu’en faire, ont contacté les gars sûrs d’Habibi Funk. Un conte de fée comme on les aime. D’autant que, toujours vivant, le chanteur et leader du groupe Abdelakabir Faradjallah fait à présent partie de la famille: il a aidé le label allemand à calligraphier les affiches de leur première grande exposition l’an dernier à Dubaï.

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« Daughter of a temple », le nouvel opus de la chanteuse et multi-instrumentiste américaine d’origine indienne Ganavya est lui-même un temple. Un espace-temps partagé avec plus de 30 artistes tels Shabaka Hutchings, esperanza spalding, Wayne Shorter, Vijay Iyer ou Immanuel Wilkins pour invoquer, dans une fusion parfaite entre spiritual jazz, traditions indiennes et musiques de dévotion et de transe, les grands dieux/déesses du Love Supreme.

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Quatrième projet du musicien Karl Onibuje et pour fêter ça il a décidé de s’entourer de valeurs sûres de la scène londonienne avec notamment Yohan Kebede (Kokoroko) ou encore Yusuf Ahmed (Unknown To Known). Les claviers sont mis ici en avant par de superbes mélodies avec un mélange bien dosé d’acoustique et d’électronique, agrémenté à certains moments de petites touches d’afrobeat. Un album parfait pour votre pote râleur qui n’aime pas le jazz !

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