Kahil El’Zabar, le gourou de l’Ethnic Heritage Ensemble qui s’affiche avec un look de détective privé sur sa pochette, est comme tous les gourous: il y a parfois une part de poudre aux yeux dans son travail. Pour le dire autrement: dans tout ce qu’il fait il y a autant de génie que de paresse. En fait, ce percussionniste touche-à-tout est au jazz de Chicago ce que Gus Van Sant est au cinéma de Seattle: un type capable d’un chef-d’oeuvre fascinant tout comme d’un ratage gênant.
Avec Be Known Ancient/Future/Music, on est plutôt du côté Lumineux de la Force. Dans ce long voyage sous forme de messe chamanique, Kahil El’Zabar rend hommage à une partie des grands disparus de ces derniers mois: Randy Weston, Roy Hargrove, Cecil Taylor… Et ce qui aurait pu être glauque ou convenu se révèle totalement envoûtant. Avec peu d’éléments (quelques voix et percus, un piano à pouce, la trompette de Corey Wilkes, le violoncelle de Ian Maksin et le saxophone baryton d’Alex Harding), l’Ethnic Heritage Ensemble s’inscrit dans les pas du génial Philip Cohran & The Artistic Heritage Ensemble et fructifie la grande tradition du spiritual jazz de Chicago. Dans Be Known Ancient/Future/Music, il y a du blues, de la poussière, des cris, des crissements, des silences et plein d’autres choses qui rendent un disque vraiment vivant.