Jamie Saft, c’est le genre de pianiste qui veut toujours aller là où on ne l’attend pas. Alors qu’il bosse d’ordinaire dans le plus grand des calmes (et des modesties) avec l’expérimentateur John Zorn, le punk Iggy Pop ou la multicartes Youn Sun Nah, il s’amuse à peupler le passionnant label RareNoise Records d’albums d’un classicisme absolu. Après un solo émouvant (oui, oui, nous avons un coeur qui bat comme vous tous), voilà un quartet emballant (oui, oui, nous avons un cerveau qui cervelle comme vous tous, ou presque). Non parce qu’il couine, qu’il grince ou qu’il gronde, mais parce qu’il jazze, ni plus ni moins, à l’ancienne avec un saxophone, une contrebasse et une batterie (le toujours inspirant Nasheet Waits). Tantôt on dirait du Coltrane époque McCoy Tyner, tantôt on dirait du Miles Davis en mode Bill Evans, souvent on dirait du Jamie Saft velouté. Et puis même son titre de baptême suinte le classicisme par tous les pores : Blue Dream, on dirait presque un film de Woody Allen. Le grand barbu en futur compositeur de l’auteur de Manhattan? Ça aurait de la gueule.