An East African Journey (MDC/Ota Records/Pias)
Omar Sosa fait partie de ces artistes qui produisent beaucoup. On découvre un de ses disques, on n’a même pas le temps de se retourner qu’il en sort déjà un autre. Lucky Luke de studio, il a dégainé plus vite que son ombre depuis 1996: depuis l’inaugural Omar Omar, Discogs décompte pas moins de 38 albums en leader sous son nom. On est loin du rythme effréné d’un John Zorn, mais on arrive à une très honorable moyenne de presque 2 LP par an. Le plus impressionnant, c’est qu’il n’y a que très peu de “déchets” dans cette discographique plantureuse: et c’est quand on pense que le Cubain ne peut plus nous surprendre qu’il y parvient une fois encore.
Il faut dire que le pianiste à barbichette a clairement un côté vampire: s’il choisit admirablement ses complices de jeu, c’est qu’ils vont lui permettre de se régénérer à l’envi. Récemment (en 2017), son association avec le joueur de kora sénégalais Seckou Keita lui avait ainsi permis d’accoucher du splendide Transparent Water. Car si Omar Sosa réinvente la tradition afro-cubaine depuis ses débuts, c’est en creusent davantage l’afro que le cubain. Sur son nouvel album, il va encore plus loin en convoquant pas moins de huit musiciens d’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’un binôme franco-britannique pilier des grooves hybrides, le bassiste Christophe « Disco » Minck et le batteur Steve Argüelles.
Avec autant d’invités différents, le pianiste aurait pu tomber dans le piège du patchwork. Eh bien, ce n’est pas le cas: An East African Journey conserve de A à Z une admirable cohérence, soit 55 minutes de spiritual jazz gorgé de sonorités folkloriques.
Cet East African Journey, ça faisait dix ans qu’il se le mijotait sur scène ou dans sa tête. À l’écoute de ces treize titres, on peut se dire que ça valait le coup d’attendre. En bon hôte, Omar Sosa laisse une grande place pour ses guests kenyans, mauriciens ou burundais: quelques percus, une poignée de notes de piano et basta, comme s’il avait fait le ménage dans son appartement pour que l’Inconnu puisse y prendre ses aises. Avec autant d’invités différents, le pianiste aurait pu tomber dans le piège du patchwork. Eh bien, ce n’est pas le cas: An East African Journey conserve de A à Z une admirable cohérence, soit 55 minutes de spiritual jazz gorgé de sonorités folkloriques.
Admirablement dosé, ce mélange offre ainsi de véritables de moments de grâce: la voix du Zambien Abel Ntalasha sur l’hypnotique “Shibinda”, la sonorité magique du valiha du Malgache Rajery sur “Tsiaro Tsara” ou les percussions délicates du Soudanais Dafaalla Elhag Ali sur “Elrababa”, le krar et le voix de l’Ethiopien Seleshe Damessae sur “Tizeta”. Parfois on pense même à une autre légendaire alliance Amérique/Afrique, celle de Taj Mahal et Toumani Diabaté sur leur chef-d’oeuvre de 1999, Kulanjan (cf. “Che Che”). Sensible, original, surprenant, touchant, chatoyant, An East African Journey s’impose comme un précieux havre de paix dans lequel il fait bon s’éterniser.