Kiri Ra! (OONA)
Il y a des disques qui poussent à la logorrhée: on a envie de dire, de raconter, d’expliquer plein de choses. On veut multiplier les anecdotes, les mises en perspective, les analyses. Ils nous en mettent plein la vue et on veut leur rendre la pareille. Et puis, il y a les disques à écouter, un point c’est tout. Parce qu’ils donnent envie de se taire, parce qu’ils invitent à la contemplation, parce qu’ils poussent à la méditation intimiste. Ils jouent avec le peu, le presque pas, le délicat et on aurait presque l’impression de les abîmer si on en disait trop. Kiri Ra! appartient évidemment à cette seconde catégorie. Il fait partie de ces oeuvres au minimalisme bouleversant, qui sont comme des légers organismes à écouter au microscope.
Pour y goûter, pas besoin de savoir que Kiri Ra! est un trio. Pas besoin non plus de prendre conscience que ce disque est une suite d’improvisations sur une sélection de films amateurs expérimentaux concoctée par The Swedish Film Institute. Nulle obligation d’être au courant du background des musiciens: une saxophoniste de jazz-punk (Linda Fredriksson de Mopo) et un duo de laborantins de l’ambient (l’artiste électronique finlandaise Lau Nau et le pianiste suédois Matti Bye). Ce qui peut, à la limite, être utile, c’est de savoir que le label qui sort ce projet est un jeune collectif nordique de compositeurs pour le cinéma, Oono, dont les splendides pochettes sont signées Martina Hoogland Ivanow.
Dans ce disque, il y a des des synthétiseurs discrets, des voix fantomatiques, quelques notes de piano, des bribes de saxophones, des nappes d’électronique (…) Mais il est presque impossible de les distinguer tant ils se mélangent dans un maelström douillet.
Dans ce disque, il y a des des synthétiseurs discrets, des voix fantomatiques, quelques notes de piano, des bribes de saxophones, des nappes d’électronique, mais aussi une flûte, un vibraphone, ou une clarinette basse. Mais il est presque impossible de les distinguer tant ils se mélangent dans un maelström douillet. Les fans de Supersilent (“Mu!”), Sigur Rós (“Nerför en Sandig Slänt”), de John Surman (“Linnesöndagen Gynnas Icke”) ou d’Arvo Pärt (“Natt”) en auront pour leur compte. Les aficionados d’émotions cinégéniques ne manqueront pas non plus de joie avec le splendide “Haplo’os”. Et les nostalgiques du folklore onirique tissé par le Codona de Don Cherry vibreront au son des très ethniques “Adventure in Väne-Ryr” ou “((Pufzi///”.
Kiri Ra! n’est pas un groupe qui fait du bruit, ni un trio qui fait danser encore moins une machine à tubes. Non, c’est juste un petit mirage tranquille qui ressemble à une belle bouffée de Ventoline: pendant 48 minutes, on se sent pousser des ailes dans les oreilles. Et ça fait du bien aux poumons du cerveau.