A l’occasion des 80 printemps du vibraphoniste Roy Ayers, Mathieu était revenu en mots et en mix sur l’histoire de son tube universel sorti en 1976. Repris par les plus grands, samplé par les meilleurs, idolâtré par beaucoup, “Everybody Loves The Sunshine” continue de fasciner encore et toujours, des jazzeux aux rappeurs en passant par les teufeurs de tous bords.
En 2015, le biopic sur NWA, Straight Outta Compton, s’ouvrait sur Dr. Dre allongé sur le sol de sa chambre en train d’écouter “Everybody Loves The Sunshine” de Roy Ayers. On voyait ses doigts suivre le rythme des détails qui font toute la saveur de cet hymne au soleil: les lignes enveloppantes de synthé ARP Odyssey, les congas chatouilleurs ou les quatre My Life ascendants entonnés par la choriste de l’Ubiquity, Debbie Darby alias Chicas. Grâce au flare de la caméra, on sentait toute la sérénité que procure l’écoute de ce tube de 1976. Le rappeur fondateur de Death Row Records le samplera d’ailleurs dans un morceau jamais officiellement sorti et tout simplement baptisé “My Life” – et sous-titré: Smoking Weed for Hours.
Et l’on peut se dire que si “Everybody Loves The Sunshine” fascine autant, c’est parce qu’il a comme un parfum de soleil californien d’où Ayers et Dre sont originaires. Un côté très West Coast auquel le rappeur-producteur a pu évidemment s’identifier. Comme si ce morceau avait défini en quelques notes la douceur de vivre. Au fameux “luxe, calme et volupté“ de Baudelaire, il répondait par une autre trinité pas mal non plus: Just bees and things and flowers. Si un jour un Martien nous demande: mais c’est quoi le bonheur? C’est quoi l’été? C’est quoi la langueur? Il faudra lui faire écouter “Everybody Loves The Sunshine”, il captera en quatre minutes chrono.
Tout le monde aime le soleil, c’est vrai. Mais tout le monde a aussi tout de suite compris que c’était un tube.
Mais si Dr. Dre et plein d’autres sont accros à ce morceau comme à de la bonne weed bio, il ne faut pas oublier que certains ont vu en Roy Ayers l’incarnation du easy-listening, de la musique facile faite pour vendre. A l’époque où le vibraphoniste écrit ce morceau, les mélanges jazz-funk ne sont pas tous bien vus et le trompettiste Donald Byrd essuie pas mal de quolibets dans les seventies. Mais le futur parrain de l’acid jazz sent au fond de lui que ce nouveau groove a de l’avenir, qu’il mûrit jour après jour et qu’il est bientôt prêt à être récolté: en 1974, il sort un disque qui s’appelle, comme un symbole, Change Up the Groove. Il ne manque plus qu’un tube pour l’entériner, comme la lettre attend son timbre. Ce sera deux ans plus tard avec “Everybody Loves The Sunshine”.
La suite, il l’a racontée au Guardian en 2017: ce morceau, ce fut comme une apparition. C’était un jour ensoleillé au studio Electric Lady à New York où le fantôme de Jimi Hendrix rôdait en ami. Et d’un coup les paroles de la chanson ont commencé à lui trotter dans la tête. “Ce fut si spontané” se souvient le vibraphoniste. Et c’est vrai, chaque personne qui a un jour essayé de chanter en yaourt sous la douche entonne neuf fois sur dix un truc avec les mots Life, Sunshine et Love. Mais Roy Ayers n’est pas un musicien du dimanche: il a tout de suite compris de quelles textures enveloppantes avaient besoin ces mots universels: “un mélange de vibraphone, de piano et de synthétiseur”. Le soir même, une fois la nuit tombée, ils enregistraient le morceau avec son groupe Ubiquity.
Tout le monde aime le soleil, c’est vrai. Mais tout le monde a aussi tout de suite compris que c’était un tube. À commencer par Stevie Wonder avec qui Roy Ayers traînait souvent à l’époque. Depuis, le fan-club de “Everybody Loves The Sunshine” n’a eu de cesse de croître: samplé par les plus grands de Mos Def à 2Pac en passant par Mary J. Blige ou Common, il a également connu de nombreuses relectures, du Brésilien Seu Jorge au Japonais Takuya Kuroda. Roy Ayers rêvait d’universalité quand il a crée son groupe Ubiquity au début des années 70. Avec “Everybody Loves The Sunshine” ses désirs sont devenus réalité.
Pour saluer les 45 ans de cette chanson immortelle et universelle, on vous rejoue Lundi 7 juin à 18h un mix très spécial absolument dédié à sa noble descendance. Vous y verrez par exemple comment les rappeurs, de Mary J. Blige à Common en passant par Mos Def, se sont davantage appropriés le mot Life que le terme Sunshine.
Tracklist
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Elaquent – Sunrays (Intro)
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Brand Nubian – Wake Up (Reprise in the Sunshine)
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Seu Jorge – Everybody Loves The Sunshine
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Dr. Dre – My Life
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Action Bronson – Bonzai
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Mary J. Blige – My Life
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Kiefer – Everybody Loves The Sunshine
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Common – Book of Life
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Anti-Lilly & Phoniks – Sunshine
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Mos Def – Life is Real
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Cibo Matto – Everybody loves the sunshine
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Joey Bada$$ – Shine
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Tupac – Lost Souls
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Takuya Kuroda – Everybody loves the sunshine