Plus qu’un recueil de neuf pièces de spiritual-psyché-jazz-made-in-Africa, Wachaga c’est aussi et surtout 1/ un voyage transcontinental, 2/ un film en neuf épisodes 3/ une série de collages d’art contemporain. Pourquoi? Parce que 1/ l’Israélien Ophir Kutiel alias Kutiman est réellement parti en 2014 sur les contreforts du Kilimandjaro enregistrer les voix, cloches ou percussions qui font tout le sel et le charme de sa musique 2/ chacune des neuf pistes du disque a eu le droit à son clip bien barré à partir d’images elles aussi captées en Tanzanie 3/ connu pour avoir créé des morceaux entiers à partir de sons glanés sur des vidéos YouTube de musiciens amateurs, ce résident de kibboutz dans la région désertique de Néguev s’amuse ici encore à scotcher des choses en apparence incollables tels des chants ancestraux et des synthés vintage.
Sorte de cérémonie œcuménique traversée par de furieux solos du saxophoniste Shlomi Alon, des éclats de trompette signés Sefi Zesling ou des envolées au trombone de Yair Slutzki, Wachaga propose une expérience sonore comme on les aime au Grigri: foncièrement cosmopolite et transgenre. À l’instar de jeunes gens modernes comme les Meridian Brothers ou Cochemea, Kutiman revêt clairement avec ce disque le costume du savant fou, qui prend un malin plaisir à glisser plein de molécules non homologuées dans la fiole “musique traditionnelle”. Certains appellent ça le psychédélisme, d’autres la liberté.
À l’écoute de “Awake in The Rain”, “Rainbow Kilimanjaro” ou “Ngorongoro”, on se dit même que la formule “Pharoah Sanders meets The Doors in Tanzania” pourrait très bien résumer ce quatrième disque complètement maboule de l’inclassable Kutiman. Comme toutes les formules, elle est clairement réductrice et exagérée à la fois – car on trouve aussi dans cet album l’esprit sampleur du hip-hop ou un air de parenté avec l’afrobeat et parce que l’Israélien est bien plus producteur-bidouilleur-aventurier que jazzman pur et dur. Mais comme toutes les formules, on espère qu’elle saura aiguiser votre curiosité gloutonne pour ce sacré-trip-sacré de Wachaga.
🇬🇧 More than a collection of nine spiritual-psyche-jazz-made-in-Africa pieces, Wachaga is above all a transcontinental journey through series of contemporary art collages. (…) Sort of ecumenical ceremony crossed by furious solos from saxophonist Shlomi Alon and bursts of trumpet signed by Sefi Zesling, Wachaga offers a sound experience as we like them at Le Grigri: totally cosmopolitan and transgender. (…) Like modern young people such as the Meridian Brothers or Cochemea, Kutiman easily endorses the costume of the mad scientist with this record, taking pleasure in slipping unapproved molecules into the “traditional music” vial. Some call it psychedelia, we call it freedom. While listening to “Awake in The Rain”, “Rainbow Kilimanjaro” or “Ngorongoro”, something came out of our mind to describe this completely crazy fourth disc of the unclassifiable Kutiman : “When Pharoah Sanders meets The Doors in Tanzania”.