Au Grigri, on préfère mettre en avant les nouveautés et les artistes de maintenant. Mais certains labels font un tel boulot pour redonner vie à des chefs-d’oeuvre parfois méconnus, parfois introuvables qu’on se doit aussi de leur filer un coup de chapeau. D’autant que ces disques trustent souvent nos coeurs et nos platines. La preuve cette semaine avec quatre rééditions, quatre histoires, quatre époques, quatre aires musicales racontées par les quatre mousquetaires du Grigri en personne.
Dee Dee Bridgewater
Afro Blue
Label: Mr. Bongo (1974/2020)
Enregistré en trois nuits à Tokyo, ce joyau a longtemps été recherché sur toute la planète par les amoureux de soul music et de jazz seventies. Jusqu’à ce vendredi 19 juin, il n’était sorti qu’au Japon, sur Trio Records en 1974 et sur All Art en 1985. On se doit donc de remercier le label Mr. Bongo pour la réédition de cet Afro Blue, le tout premier album de Dee Dee Bridgewater. A 24 ans, la chanteuse venue de Memphis, enregistre ce disque presqu’en famille, puisqu’à ses côtés jouent les frères Bridgewater : son mari, Cecil à la trompette, et son beau-frère, Ronnie au saxophone ténor. En ouverture de l’album, une délicieuse version du titre éponyme “Afro Blue” de Mongo Santamaria ; en clôture, le fameux tube « People Make The World Go Round » de The Stylistics. Deux titres qui entrent dans la programmation du Grigri aujourd’hui même, pour saluer l’arrivée de cette réédition mais aussi la carrière d’une chanteuse qui sait s’affranchir de persistantes étiquettes « Jazz » qui lui collent à la peau, et qui nous offre de sa voix novice jusqu’à aujourd’hui, des accents blues, gospel et soul qu’on se plaît à réécouter et à redécouvrir. Emilie
🇬🇧 We are so delighted to honor the career of a singer who knows how to free herself from the very persistent “Jazz” labyel by offering us, from her novice voice until today, blues, gospel and soul accents that we enjoy listening to and rediscovering, thanks to this re-issue, recorded in family!
Fairuz
Maarifti Feek
Label: Wewantsounds (1987/2020)
Les années 70 et 80 sont l’âge d’or des musiques arabes avec en fer de lance les chanteuses Oum Kalthoum et Fairuz. C’est cette dernière qui va ouvrir les frontières musicales du Liban grâce à l’influence des musiques latines et ainsi marquer la culture libanaise notamment grâce à sa collaboration avec les frères Rahbani. C’est d’ailleurs l’un des deux, Assy Rahbani, qu’elle épousera et c’est avec son fils Ziad qu’elle produira ses albums les plus prisés — une affaire de famille en somme.
Sorti en 1987 et enregistré entre 1983 et 84 à Beyrouth, l’album Maarifti Feek est justement l’un des plus recherchés. Les sonorités jazz funk composées sur-mesure associées aux arrangements traditionnels et aux influences brésiliennes vont propulser Fairuz au rang de star internationale et faire de cet album une masterpiece. Aujourd’hui le label WeWantSounds est le premier à rééditer Maarifti Feek en vinyle remasterisé et Le Grigri ne pouvait pas passer à côté. On est ravis de partager cette trouvaille avec vous. Guillaume
🇬🇧 Fairuz is one of the spearheads of Arabic music from the 70s and 80s. And these tailor-made jazz-funk sounds associated with traditional arrangements and Brazilian influences will propel Fairuz to the rank of international star and bring this album to the masterpiece level!
Pete Rock & Camp Lo
80 Blocks From Tiffany’s II
Label: Fat Beats (2013/2020)
Quand tu arrives à une soirée et que le Grigri fait grésiller les enceintes, tu sais que la nuit sera chaude. On a été traversé du même sentiment quand on est tombé sur cette réédition de 80 Blocks From Tiffany’s Pt 2. Aux manettes, le duo Camp Lo et Pete Rock, soit l’homme derrière l’eldorado des diggers qu’est Lost and Found: Hip-Hop Underground Soul Classics, rempli de guests de qualité supérieure comme Talib Kweli, feu Mac Mille. Sortie en 2013 et aujourd’hui rééditée par Fat Beats Records, cette mixtape est la preuve vivante que le « good old » boom-bap a encore/toujours de beaux jours devant lui. Imaginé pour célébrer les 20 ans de carrière de Pete Rock, ce projet est un hommage à un lieu – le Bronx d’où sont originaires nos trois protagonistes – et à une époque – le début des années 80. D’ailleurs, le « Part 2 » est une référence totale au documentaire de Gary Weiss sur le South Bronx de 1979, qui dépeint les guerres de gang, la pauvreté, la violence chronique, et assiste à la naissance du hip-hop. Hip-hop, jazz, blues ou la preuve que du pire peut naitre le meilleur. Antoine
🇬🇧 Imagined to celebrate Pete Rock’s 20-year career, this project is a tribute to a place – the Bronx – and to an era – the early 1980s, where and when hip-hop was born. This mixtape is a living proof that the “good old” boom-bap still and always has a bright future ahead, even in 2020!
Serginho Meriti
Bons Momentos
Label: Time Capsule (1981/2020)
Il y a des disques dont on se demande comment on a fait pour vivre autant d’années sans les connaître. Bons Momentos de Serginho Meriti est de cette trempe. Sorti à l’origine en 1981, cet album de baptême d’un discret chanteur-songwriter-guitariste au cheveu sur la langue a tout du disque Gillette : c’est la perfection au masculin. En huit pépites de funk made in Brazil, le gamin de Rio de Janeiro – 23 balais au compteur – s’impose directos comme le chainon manquant entre Jorge Ben et Tim Maia. Au-delà d’un affolant talent d’écriture (“Serjane”, “Tipo Help” ou “Bons Momentos” ont de sacrées gueules de classiques) et d’une aisance ronaldinhesque à jongler entre les genres (du reggae à l’afrobeat les clins d’œil abondent), le petit Carioca biberonné au légendaire Banda Black Rio déroule une masterclass de cuivres jusqu’à citer/sampler/rejouer “In The Mood” de Glenn Miller sur “Malandro Velho”. Muito obrigado donc au label anglais Time Capsule de redonner vie à ce recueil de (très, très) bons moments qui pouvait parfois atteindre les 300 billets sur Discogs. Mathieu
🇬🇧 In eight treasures of funk made in Brazil, the kid from Rio de Janeiro stands out as the missing link between Jorge Ben and Tim Maia. With a maddening talent of writing and a Ronaldinhesque ease to juggle between genres (from reggae to Afrobeat winks ), the little Carioca crashed the game.