Gil Scott-Heron & Makaya McCraven

We're New Again - A Reimagining by Makaya McCraven, disque de la semaine du Grigri du 24/02 au 01/03

Au départ, on était sceptiques. Ré-inventer l’ultime album de Gil Scott-Heron, Jamie xx l’avait déjà fait en 2011, soit quelques mois à peine après la sortie du génial I’m New Here. Ça s’appelait We’re New Here et ça proposait une enthousiasmante version dansante du chef-d’oeuvre de noirceur du poète américain. Mais, pour fêter les dix ans de ce très court album aux très longues idées, Richard Russell, le boss de XL Recordings qui avait motivé Gil Scott-Heron à retourner en studio à l’époque, a voulu retenter l’expérience.

Quand on a appris la nouvelle, on a d’abord pensé à la célèbre phrase de Marx dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte : «Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce.» Mais comme c’était le batteur Makaya McCraven qui s’y collait, on a beaucoup moins pensé à la farce, à Marx et aux cours d’histoire mais plutôt à tous les coups de maître de l’Américain sur le label International Anthem: le fondateur ln The Moment, le rentre-dedans Where We Come From, le surpuissant Highly Rare ou le magistral Universal Beings.

On sentait que la philosophie reconstructrice de Makaya McCraven pouvait faire des merveilles avec la matière brute et première de Gil Scott-Heron. Le batteur de Chicago a pour habitude de se sampler lui-même, de couper, monter et reconstruire les bandes de ses impros en concert ; on savait qu’il avait l’esprit mixtape ancré en lui – comme Gil Scott-Heron, il pratique la vie amphibique entre jazz et hip-hop. On devenait même très curieux de le voir ajouter des voix à sa palette de textures, lui qui a plutôt l’habitude de naviguer dans l’océan des musiques instrumentales.

Eh bien nos grandes espérances se sont frottées collé-serré à la réalité pour donner l’un des très grands disques de ce début d’année. Peut-être parce que le batteur de Chicago laisse beaucoup d’espace(s) à la voix granuleuse, éraflée, bouleversante du poète disparu en mai 2011? Peut-être parce qu’il varie les horizons esthétiques et qu’il sait se faire tantôt groove, tantôt free, parfois blues, new age ou spiritual? Peut-être parce qu’il pousse même le bouchon jusqu’à changer les titres des morceaux originaux pour leur donner une nouvelle teinte (le très faustien “Your Soul And Mine” devient plus positivement “People of The Light”)? Peut-être parce qu’aux synthés crépusculaires de l’original, Makaya McCraven privilégie des instruments aux sonorités plus lumineuses comme la flûte (tourbillonnant “Where Did The Night Go?”), la harpe (angélique “I’m New Here”), le piano acoustique, la guitare ou le vibraphone?

Sans doute tout ça à la fois. Et peut-être plus encore. Car autant le Gil Scott-Heron de I’m New Here semblait torturé et à fleur de peau, autant il transpire ici de sérénité et de sagesse maintenant qu’il chante d’outre-tombe, escorté par la dream team de Chicago: Makaya McCraven à la batterie bien sûr, mais aussi Brandee Younger à la harpe, Ben LamarGay au Diddley Bow, Jeff Parker à la guitare, Junius Paul à la basse ou encore Greg Spero aux claviers. Grâce à We’re New Again (A Reimagining By Makaya McCraven), le poète américain vit une énième vie dans laquelle il semble toujours aussi new et here.

🇬🇧 At first, we were skeptical. Re-inventing Gil Scott-Heron’s final album was no easy task. (…) But we knew that Makaya McCraven could do wonders with the raw material left by Gil Scott-Heron. (…) And our great hopes have been rewarded with one of the greatest records of the beginning of 2020 (…) where Makaya varies the musical horizons and learns how to be from time to time groove, free, blues, new age or spiritual. (…) Gil Scott-Heron in here exudes serenity and wisdom escorted by Chicago’s dream team: Makaya McCraven, Brandee Younger, Ben LamarGay, Jeff Parker, Junius Paul and Greg Spero. Thanks to “We’re New Again (A Reimagining By Makaya McCraven)”, the American poet is living a new life in which he seems New and Here again.

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Comme un je-ne-sais-quoi de très français dans un jazz marqué par la nouvelle génération anglaise pour le quintet Naïram de Jasmine Lee qui sort un premier opus inspiré des Nerija, SEED Ensemble ou encore Maisha. Mais un opus qui parvient à s’en affranchir aussi, en particulier par le jeu du flutiste Alexandre Aguilera, pour offrir un ménage à 3 réussi entre improvisation, spiritual jazz et jazz métissé.

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À paraître sur le label Light in the Attic Records, Even the Forest Hums : Ukrainian Sonic Archives 1971-1996 compile des musiques ukrainiennes de l’ère soviétique à la période post-URSS. Si la promesse, de mettre en lumière des morceaux rares de folk, rock, jazz et d’électronique, est aussi bonne que les deux premiers extraits alors vivement la sortie complète le 18 octobre.

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