Sur le papier, l’idée d’un groupe qui mélange l’esprit jazz, le son punk et les traditions des Dagaris (un peuple qui vit entre le Ghana et le Burkina Faso), ça peut faire grimacer. Tout simplement parce que c’est difficile à imaginer, ça peut faire un peu pizza aux sushis ou sushis à la pizza. Et pourtant, à l’écoute de ce troisième album des Anglais de Vula Viel, cette hypnotique hybridation transcontinentale sonne totalement naturelle. C’est la force des bonnes greffes: nous faire croire qu’elles existent depuis toujours.
Cette idée de génie, c’est une percussionniste du Yorkshire qui l’a eue après avoir passé trois ans au Ghana à s’initier à l’art du gyil – un xylophone en bois originaire d’Afrique de l’Ouest. Pour son power trio pas comme les autres, Bex Burch a ensuite été chercher deux artistes qui, comme elle, aiment franchir barrières, frontières et limites avec la plus grande des décontractions: la bassiste entendue chez Melt Yourself Down Ruth Goller et le batteur du Daniel Erdmann’s Velvet Revolution ou du Primitive London d’Antoine Berjeaut, Jim Hart.
Eloge du stoïcisme et de la décroissance, What’s Not Enough About That? passe son temps à inviter l’auditeur à se contenter de ce qu’il a. La phrase entière qui a donné son titre au disque est d’ailleurs la suivante: Vous êtes en vie? Vous êtes aimé? Qu’est-ce que vous voulez de plus? Entonné par un choeur mené par l’inclassable Peter Zummo, le morceau d’ouverture est un bon exemple de cette philosophie : “Even not fitting in, I am comfortable in my own skin” (comfortable in my own skin = en VF, être bien dans sa peau).
Bien dans sa peau, on l’est à l’écoute de ces huit titres à la fois enveloppants et dérangeants. Tout simplement parce que Vula Viel fait exprès de mélanger instants “angéliques” (le son du gyil qui donne sa pâte au disque, lyrics positives, répétitions hypnotiques) et moments “diaboliques” (les distorsions de la basse, les envolées free, répétitions hyperboliques). Résultat, bien malin celui qui arrivera à classer cette expérience de disque. Jazz? World? Musique contemporaine? Les Vula Viel s’en foutent puisqu’ils sont bien dans leur peau. Et ils ont bien raison.
🇬🇧 Vula Viel’s transcontinental and hypnotic hybridization sounds totally natural mainly because this is the strength of good transplants: making us believe that they always have been around. (…) You can thank Bee Burch – a Yorkshire percussionist – for this brilliant idea she had after spending three years in Ghana learning the art of gyil – a wooden xylophone from West Africa. (…) Praising stoicism and decreasing as main values, “What’s Not Enough About That?” spends its time inviting the listener to be content with what he/she has. The line that gave the record its title is indeed : “Are you alive? Are you loved? What more do you want?”